maio 15, 2007

“Visto da Rússia: Eurovisão, uma lição de geopolítica aplicada” in Courrier International, 14 de Maio de 2007

por Maxime Ioussine
Le concours de l'Eurovision est depuis longtemps devenu une compétition est-européenne, qui se joue "entre soi". Les Allemands, les Français, les Anglais ne s'y intéressent guère, et les Italiens ont même refusé d'y participer. En revanche, les ex-Soviétiques, les ex-Yougoslaves et les ex-"démocraties populaires" considèrent ce concours avec autant de sérieux que si l'honneur de leur pays en dépendait. Pour l'emporter, ces pays sont prêts à conclure les "alliances régionales" les plus variées, parfois naturelles (Russie – Biélorussie), parfois extravagantes (Croatie – Serbie, les ennemies d'hier). Ce qui compte avant tout, c'est le résultat, la garantie d'obtenir le vote des voisins, quelles que soient les circonstances, même si la prestation de l'interprète a été lamentable. Sans même avoir entendu le chanteur grec, on pouvait par exemple parier que Chypre le placerait en tête, tandis que la Grèce voterait pour le ou la Chypriote. Les Roumains donnent toujours 12 points aux Moldaves, et réciproquement dans la plupart des cas. Mais ces arrangements ne suffisent pas à assurer la victoire. Il faut une alliance de poids, pas seulement bilatérale. De ce point de vue, les Etats nés de l'ex-Yougoslavie et de l'ex-URSS sont les mieux placés. A Helsinki, six anciennes républiques yougoslaves et neuf anciennes républiques soviétiques prenaient part au vote. Le résultat n'a pas fait un pli. Le podium a accueilli dans l'ordre la Serbie, l'Ukraine et la Russie. Cette fois, nous n'avons pas su tirer parti de notre supériorité numérique, nous avons dispersé nos voix, certains accordant les fameux 12 points à l'Ukraine, d'autres à la Russie, d'autres encore au chanteur biélorusse, qui a fini sixième. La première place nous a donc échappé. Les ex-Yougoslaves se sont montrés plus intelligents. Disciplinés, les Croates, Bosniaques, Slovènes, Macédoniens et Monténégrins ont tous placé en tête la chanteuse serbe, ce qui lui a valu 60 points d'office, auxquels sont venus s'ajouter les voix de l'Autriche et de la Suisse, où vivent beaucoup d'immigrés serbes, ainsi que de la Hongrie, qui avait rejoint l'"alliance balkanique" (les Serbes ont voté pour la chanteuse hongroise, échange de bons procédés). Finalement, la Finlande a été le seul pays "désintéressé" à placer la concurrente serbe en tête. Les tactiques de certains pays peuvent sembler paradoxales, mais si on y regarde de près, on découvre toujours leur logique. Par exemple, pourquoi l'Estonie a-t-elle voté en faveur de la Russie alors que le contentieux du Soldat de Bronze est encore brûlant ? C'est très simple : [grâce au vote du public] les russophones vivant en Estonie se sont massivement prononcés pour le groupe [russe] Serebro. Et pourquoi les Turcs se sont-ils soudain mis à apprécier les Arméniens ? Parce qu'en fait, ce ne sont pas les Turcs, ce sont les Arméniens de la diaspora qui s'étaient organisés pour envoyer des votes par SMS. D'où est venue la popularité de Vierka Serdioutchka [le concurrent ukrainien] au Portugal ? Il suffit de savoir que ce pays héberge 300 000 travailleurs ukrainiens… Et pourquoi les spectateurs d'Allemagne, d'Autriche et de Suisse soutiennent-il si ardemment la Turquie ? Songez au nombre d'immigrés turcs dans ces pays… Le concours de l'Eurovision ? Une vraie leçon de géopolitique appliquée!
http://www.courrierinternational.com/article.asp?obj_id=73829
JPTF 25/05/2007

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