abril 18, 2009
‘ASEAN: um gigante com pés de barro‘ in Courrier International
L'instabilité chronique dans plusieurs pays membres affaiblit l'organisation régionale pourtant ambitieuse. L'annulation du dernier sommet en Thaïlande en est la meilleure illustration.
L'ajournement du sommet de Pattaya [au sud de Bangkok] entre les dix membres de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN) et les dirigeants japonais, chinois et sud-coréens n'est pas qu'un camouflet cuisant pour le gouvernement thaïlandais. C'est aussi un terrible revers pour ceux qui espéraient que la coopération aide à juguler la crise économique mondiale en Asie. L'incident pourrait en outre servir de catalyseur et entraîner de nouveaux développements dans l'instabilité politique que traverse depuis longtemps maintenant la Thaïlande [voir CI n° 963, du 16 avril 2009].
Le fiasco thaïlandais a aussi mis fin aux espoirs de l'ASEAN de faire de ce rendez-vous, auquel sont également conviés des responsables indiens, australiens et néo-zélandais, l'événement annuel de la coopération panasiatique, sorte de G16 continental sur lequel les regards du monde entier auraient été braqués. L'ajournement vient rappeler à quel point nombre de pays d'Asie sont politiquement instables, et ce bien avant que l'impact de la récession se soit fait pleinement sentir. Si l'Indonésie a organisé, le 9 avril, des élections législatives qui se sont parfaitement déroulées – preuve des progrès remarquables accomplis par sa démocratie depuis le renversement du président Suharto il y a onze ans –, les tensions politiques en Malaisie ne sont toujours pas en voie de résolution, en dépit de la récente nomination d'un nouveau Premier ministre.
L'échec de la rencontre en Thaïlande a par ailleurs empêché que soit finalisé un accord sur la création d'un fonds de 120 milliards de dollars [94 milliards d'euros] visant à protéger les pays de la région des crises monétaires et à leur permettre de maintenir leur croissance économique sans s'inquiéter inutilement de leur balance des paiements. L'essentiel de cette somme aurait dû être versé par la Chine, la Corée du Sud et le Japon. Au bout du compte, le fonds sera très vraisemblablement créé, mais avant tout parce que les trois Etats du Nord-Est asiatique y trouvent chacun leur intérêt. Tous souhaitent en effet diminuer leur dépendance commerciale à l'égard d'un Occident affaibli et ont donc besoin de soutenir la croissance dans la région. Tous entendent utiliser leurs abondantes réserves pour s'acheter une influence politique. Tous veulent montrer que la coopération financière asiatique est une réalité dont le reste du monde doit prendre acte. Et la Corée, qui accueillera le prochain sommet du G20 [en accédant à la présidence du groupe en 2010], souhaite utiliser l'ASEAN comme plate-forme pour promouvoir sa propre influence dans le monde.
Voilà qui en dit plus sur les intérêts de ces trois pays que sur la véritable capacité de coopération de l'organisation panasiatique. Quoi que laissent penser les accords de libre-échange et autres textes ronflants, l'ASEAN n'a plus l'influence de l'époque où elle pouvait compter sur certains acteurs clés, des poids lourds tels l'Indonésien Suharto, le Singapourien Lee Kwan Yew et le Malaisien Mahathir Mohamad. L'actuel président de l'Indonésie Susilo Bambang Yudhoyono jouit sans doute de quelques bonnes références pour assumer un rôle moteur, mais cela n'est ni dans son caractère consensuel, ni dans l'intérêt d'une Indonésie essentiellement préoccupée par des enjeux intérieurs et peu désireuse de jouer un rôle sur la scène internationale. Du côté des autres pays membres, les Philippines sont pour l'heure relativement stables, mais souvent considérées comme un protagoniste en marge. Singapour a perdu de sa superbe tandis que le Vietnam a gagné une certaine ampleur, mais part de très loin.
Cette incapacité à coopérer est criante et s'est même traduite par une absence de front commun face à la Chine à propos des rivalités territoriales en mer de Chine méridionale [voir CI n° 961, du 1er avril 2009]. Ces derniers temps, les Philippines, le Vietnam et la Malaisie ont tous irrité Pékin avec leurs propres revendications territoriales, mais n'ont fait aucun effort pour résoudre les différends qui les opposent les uns aux autres. Les Philippines ont même signé avec la Chine un contrat d'exploration pétrolière enfreignant un accord de l'ASEAN.Les pays d'Asie du Sud-Est ont abordé la crise économique mondiale en position de force, avec de vastes réserves de devises étrangères et sans avoir créé de bulle spéculative majeure. Ces économies très ouvertes sur l'extérieur demeurent toutefois vulnérables face à une récession prolongée. Elles risquent en effet de souffrir de la chute du prix des matières premières et du ralentissement des transferts de fonds de leurs ressortissants travaillant à l'étranger. A présent, il leur est donc indispensable de rassembler le maximum de ressources additionnelles possibles. Par chance, les principaux détenteurs de devises étrangères se trouvent être leurs voisins. Toutefois, l'accès à ces fonds pourrait s'avérer improductif si l'instabilité politique décourageait l'investissement privé, minait la confiance des consommateurs et paralysait les processus décisionnels.
La Thaïlande, qui s'appuie pourtant sur une économie diversifiée, a déjà pâti des récentes luttes de pouvoirs. La situation pourrait encore s'aggraver alors que les "chemises rouges" pro-Thaksin entendent poursuivre leur mouvement, paralysant ainsi l'actuel gouvernement d'Abhisit Vejjajiva ainsi que l'avaient fait les "chemises jaunes" (anti-Thaksin) avec le gouvernement précédent. En Malaisie, le nouveau Premier ministre a pris ses fonctions avec une cote de popularité encore plus faible que son prédécesseur, tandis que le parti au pouvoir, discrédité par les soupçons de corruption, de meurtre et de ventes d'armes, essuyait une sévère défaite à des élections partielles [le 7 avril]. Dans ces deux pays, les questions fondamentales de gouvernance restent très disputées. Même s'il n'existe aucun risque de voir se répéter le scénario de la crise asiatique de 1997-1998, le fiasco du sommet de l'ASEAN de Pattaya montre clairement que les problèmes politiques de l'Asie du Sud-Est ne concernent pas seulement la région.
http://www.courrierinternational.com/imprimer.asp?obj_id=96773
JPTF 2009/04/18
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